sábado, 19 de marzo de 2011

Tribunal Europeo de Derechos Humanos - Injurias al Rey y libertad de expresión


Sentencia de la Sala 3ª del Tribunal Europeo de Derechos Humanos (TEDH) de 15 de marzo de 2011, Asunto nº 2034/07 (Otegi Mondragón c. España).
De acuerdo con los arts. 43 y 44 del Convenio para la Protección de Derechos Humanos y de las Libertades Fundamentales (CPDHLF), esta sentencia no es definitiva. Las partes tienen un plazo de tres meses para solicitar el reenvío del asunto a la Gran Sala del Tribunal. En ese caso, el asunto será examinado por un colegio de cinco jueces, que determinarán si procede a un nuevo examen, en cuyo caso la Gran Sala emitirá una sentencia definitiva.
El asunto tuvo su origen en la visita que el 26.2.2003 el Rey de España realizó a la Comunidad Autónoma del País Vasco para participar en la inauguración de una central eléctrica en la provincia de Vizcaya siendo recibido por el Presidente del Gobierno Vasco. Ese mismo día, en una conferencia de prensa celebrada en San Sebastián, Arnaldo Otegi Mondragón, portavoz del grupo parlamentario Sozialista Abertzaleak, a una pregunta de un periodista, declaró entre otras cosas que cómo era posible que el Presidente del Gobierno Vasco se fotografiara con el Rey de España, que era el jefe supremo del ejército, es decir el responsable de torturadores y de los que protegen la tortura y que imponen el régimen monárquico al pueblo vasco por medio de la tortura y la violencia. A raíz de ello, fue condenado como autor de un delito de injurias graves al Rey a una pena de un año de prisión y suspensión del derecho de sufragio pasivo durante ese tiempo.

Así las cosas, el asunto ante el TEDH se ha centrado fundamentalmente en determinar si ha existido violación del art. 10 de la CPDHLF (libertad de expresión), considerando finalmente que ha existido violación del art. 10 y condenando al Estado español a abonar al demandante la cantidad de 20.000 euros, en concepto de daños morales, más 3.000 euros, en concepto de costas y gastos procesales.

Principales razonamientos del Tribunal:
"48. La liberté d'expression constitue l'un des fondements essentiels d'une société démocratique, l'une des conditions primordiales de son progrès et de l'épanouissement de chacun. Sous réserve du paragraphe 2 de l'article 10, elle vaut non seulement pour les « informations » ou les « idées » accueillies avec faveur ou considérées comme inoffensives ou indifférentes, mais aussi pour celles qui heurtent, choquent ou inquiètent : ainsi le veulent le pluralisme, la tolérance et l'esprit d'ouverture sans lesquels il n'est pas de « société démocratique » (Handyside c. Royaume-Uni, 7 décembre 1976, § 49, série A no 24, Lindon, Otchakovsky-Laurens et July c. France [GC], nos 21279/02 et 36448/02, § 45, CEDH 2007-XI, et Verein gegen Tierfabriken Schweiz (VgT) c. Suisse (no 2) [GC], no 32772/02, § 96, CEDH 2009-...). Telle que la consacre l'article 10, elle est assortie d'exceptions qui appellent toutefois une interprétation étroite, et le besoin de la restreindre doit se trouver établi de manière convaincante.
[..] 51. La Cour note en premier lieu que le requérant s'exprimait sans aucun doute en sa qualité d'élu et de porte-parole d'un groupe parlementaire, de sorte que ses propos relevaient de l'expression politique (Mamère, précité, § 20). D'autre part, les propos tenus par le requérant relevaient d'une question d'intérêt public au Pays basque, à savoir l'accueil que le chef du gouvernement basque a réservé au roi d'Espagne lors de sa visite officielle au Pays basque le 26 février 2003, dans le contexte de la fermeture du journal en langue basque Egunkaria et de la détention de ses responsables quelques jours auparavant, ainsi que de la plainte pour mauvais traitements rendue publique par ces derniers. Les déclarations du requérant s'inscrivaient donc dans le cadre d'un débat sur des questions d'intérêt public.
[...]
53. [...] La Cour rappelle à cet égard qu'il y a lieu de distinguer entre déclarations factuelles et jugements de valeur. Si la matérialité des faits peut se prouver, les seconds ne se prêtent pas à une démonstration de leur exactitude ; l'exigence voulant que soit établie la vérité de jugements de valeur est irréalisable et porte atteinte à la liberté d'opinion elle-même, élément fondamental du droit garanti par l'article 10 [...].
54. Se penchant sur les expressions elles-mêmes, la Cour admet que le langage utilisé par le requérant ait pu être considéré comme provocateur. Cependant, s'il est vrai que tout individu qui s'engage dans un débat public d'intérêt général, tel le requérant en l'espèce, est tenu de ne pas dépasser certaines limites quant, notamment, au respect de la réputation et des droits d'autrui, il lui est permis de recourir à une certaine dose d'exagération, voire de provocation, c'est-à-dire d'être quelque peu immodéré dans ses propos (Mamère, précité, § 25). La Cour observe que si certains termes du discours du requérant brossent un tableau des plus négatifs du roi en tant qu'institution et donnent ainsi au récit une connotation hostile, ils n'exhortent pas pour autant à l'usage de la violence, et il ne s'agit pas d'un discours de haine, ce qui est aux yeux de la Cour l'élément essentiel à prendre en considération (voir, a contrario, Sürek c. Turquie (no 1) [GC], no 26682/95, § 62, CEDH 1999-IV). [...]
55. La Cour constate ensuite que, pour condamner le requérant, les juridictions internes se sont appuyées sur l'article 490 § 3 du code pénal, disposition qui accorde au chef de l'État un niveau de protection plus élevé qu'à d'autres personnes (protégées par le régime commun de l'injure) ou institutions (tels que le Gouvernement et le Parlement) à l'égard de la divulgation d'informations ou d'opinions les concernant, et qui prévoit des sanctions plus graves pour les auteurs de déclarations injurieuses (voir paragraphes 27-29 ci-dessus). A cet égard, la Cour a déjà déclaré qu'une protection accrue par une loi spéciale en matière d'offense n'est, en principe, pas conforme à l'esprit de la Convention. Dans son arrêt Colombani et autres, précité, elle avait examiné l'article 36 de la loi française du 29 juillet 1881, abrogée depuis, portant sur les délits contre les chefs d'État et agents diplomatiques étrangers. Elle avait observé que l'application de l'article 36 de la loi de 1881 conférait aux chefs d'État étrangers un privilège exorbitant, les soustrayant à la critique seulement en raison de leur fonction ou statut, ce qui ne pouvait se concilier avec la pratique et les conceptions politiques d'aujourd'hui. Elle avait donc conclu que c'était le régime dérogatoire de protection prévu par l'article 36 de la loi pour les chefs d'État étrangers qui était attentatoire à la liberté d'expression, et nullement le droit pour ces derniers de faire sanctionner les atteintes à leur honneur dans les conditions de droit reconnues à toute personne (Colombani et autres, précité, § 69). Dans son arrêt Artun et Güvener, précité, la Cour a estimé que ce qui avait été énoncé dans l'arrêt Colombani et autres, au sujet des chefs d'État étrangers, valait à plus forte raison s'agissant de l'intérêt d'un État de protéger la réputation de son propre chef d'État : pareil intérêt ne pouvait justifier de conférer à ce dernier un privilège ou une protection spéciale vis-à-vis du droit d'informer et d'exprimer des opinions à son sujet (Artun et Güvener, précité, § 31 ; voir également, en ce qui concerne la surprotection du statut du président de la République en matière civile, Pakdemirli, précité, § 52).
56. [...] La Cour estime que le fait que le roi occupe une position de neutralité dans le débat politique, une position d'arbitre et de symbole de l'unité de l'État, ne saurait le mettre à l'abri de toute critique dans l'exercice de ses fonctions officielles ou – comme en l'espèce – en tant que représentant de l'État, qu'il symbolise, notamment de la part de ceux qui contestent légitimement les structures constitutionnelles de cet État, y compris son régime monarchique. [...] En outre, elle estime que le fait que le roi soit « irresponsable » en vertu de la Constitution espagnole, notamment sur le plan pénal, ne saurait faire obstacle en soi au libre débat sur son éventuelle responsabilité institutionnelle, voire symbolique, à la tête de l'État, dans les limites du respect de sa réputation en tant que personne.
57. A cet égard, la Cour considère qu'en l'espèce les propos litigieux ne mettaient pas en cause la vie privée du roi (voir, a contrario, Standard Verlags GmbH c. Autriche (no 2), no 21277/05, 4 juin 2009, affaire dans laquelle étaient en cause les aspects intimes de la vie privée du président autrichien ; voir également Von Hannover c. Allemagne, no 59320/00, § 64, CEDH 2004-VI) ou son honneur personnel, et qu'ils ne comportaient pas une attaque personnelle gratuite contre sa personne (voir, a contrario, Pakdemirli, précité, § 46). [...] La Cour observe par ailleurs que ces propos ne mettaient pas non plus en cause la manière dont le roi s'était acquitté de ses fonctions officielles dans un domaine particulier ni ne lui attribuaient une quelconque responsabilité individuelle dans la commission d'une infraction pénale concrète. [...]
58. [...] la Cour relève que la nature et la lourdeur des peines infligées sont aussi des éléments à prendre en considération lorsqu'il s'agit de mesurer la « proportionnalité » de l'ingérence.
59. La Cour a déjà considéré que si la fixation des peines est en principe l'apanage des juridictions nationales, une peine de prison infligée pour une infraction commise dans le domaine du discours politique n'est compatible avec la liberté d'expression garantie par l'article 10 de la Convention que dans des circonstances exceptionnelles, notamment lorsque d'autres droits fondamentaux ont été gravement atteints, comme dans l'hypothèse, par exemple, de la diffusion d'un discours de haine ou d'incitation à la violence (Bingöl c. Turquie, no 36141/04, § 41, 22 juin 2010 ; mutatis mutandis, Cumpănă et Mazăre c. Roumanie [GC], no 33348/96, § 115, CEDH 2004-XI).
[...]
61. Au vu de ce qui précède, à supposer même que les raisons invoquées par les juridictions internes puissent passer pour pertinentes, elles ne suffisent pas à démontrer que l'ingérence dénoncée était « nécessaire dans une société démocratique ». Nonobstant la marge d'appréciation des autorités nationales, la Cour considère que la condamnation du requérant est disproportionnée au but visé."

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